Quand on est mort 2 : un lambeau de nuage
Quand on est mort … Encore un point que je veux vous indiquer, à vous mortels tant que mon nouvel état n’a pas totalement dissipé mon passé de vivant, c’est cette transformation que l’on « vit » de l’intérieur sans aucun pouvoir dessus. Pour une description un peu réaliste : je me fais l’effet d’un lambeau de nuage qui se mêle à d’autres et s’en démêle sans cesse, formant de nouvelles formes et densités, créant des échanges électriques, magnétiques, ou sulfureux –rangez vos balais et cornues, ici pas besoin, cela fonctionne « automatiquement » –sauf que l’attrait d’un lambeau pour un autre n’est pas dû au hasard ni aux conditions climatiques qui n’existent pas ici, mais le fait d’une alchimie qui dépasse mon entendement à mon stade de pourrissement et de résurrection…. Stop, stop ! Le mot est lâché et pour éviter toute polémique et que les choses soient claires entre nous je vais employer le seul vocabulaire que vous compreniez, le langage terrien, bien qu’il m’échappe doucement tandis qu’un langage antérieur, oublié durant ma vie sur terre, plus sensoriel, me possède peu à peu. On en reparlera peut-être…
Plus de « chacun », place à l’unicité
Donc, entre nous pour le moment, j’utilise la langue et les repères terrestres de mon époque (je suis morte en 2010 après JC sur un territoire appelé alors la terre et peuplée de quelques milliards d’êtres comme moi et milliards de milliards d’autres vivants. Vous situez ?)
Le mot résurrection dans ma culture d’humain terrestre du temps T.= 2010 ap JC (repère bien éphémère et localisé) a un sens religieux. Or, ici, important constat : il n’y a aucune religiosité, aucun besoin, aucune manifestation, aucun signification même de ce lien. J’ai cru comprendre qu’il n’y avait plus de « chacun » mais qu’au fur et à mesure, les arrivés participaient de l’unicité existante qu’à mon stade de désintégration je crois pourvoir définir comme « le sacré ». Je n’ai pas encore compris comment je me suis mêlée dès mon arrivée à une forme qui s’est révélée être, non un être mort, mais mon ancêtre préhistorique – oui on est nombreux à avoir le même, je vous l’accorde, mais elle et moi avons une relation privilégiée. N’argumentez pas encore, laissez mon esprit vous raconter tant qu’il ne peut les nouvelles expériences de son nouvel état.
Quand on est mort , un changement notoire et inattendu s’opère à son insu (et pas de son plein gré tant que l’on conserve des chaînes de terrien ) il est de nature cognitive : je croyais que LaMère qui était née des dizaines de milliers d’années avant moi aurait de la difficulté à concevoir, visualiser, intégrer les éléments de ma vie depuis la notion de temps, l’alimentation, l’argent, la relation avec le passé, jusqu’aux avions, l’écriture, l’habillement, l’organisation sociale etc. Pas du tout ! Elle embrasse tout instantanément elle a une intelligence fulgurante et alors que je ne peux pas avoir la même connaissance en sens inverse ni les mêmes capacités de retour vers son passé. Et curieusement depuis mon arrivée, je n’ai pas pu encore me projeter sur les derniers reçus. CQFD : l’état de mort est un arrêt à un temps T., basta ! Finie la projection ! L’avenir n’existerait pas ici et du coup on n’aurait aucune vision de ce qui se passe après soi. Là, mon raisonnement semble un peu trop rationnel, trop terrien ; il faudra que j’y repense plus tard au fur et à mesure de mon expérience ici. Pourquoi ? Nos conversations avec LaMere devraient m’aider à comprendre ce phénomène particulier qui bouleverse mes idées d’ex- terrienne encore un peu sur terre.
Quand on est mort, j’allais oublier de vous le dire, on découvre avec effarement que l’on a eu à la naissance tous les potentiels possibles même ceux dont on ne soupçonnera plus l’existence quelques jours après avoir vu le jour car ils se seront effacé de notre cerveau. Et l’on découvre, quand on est mort, qu’au bout d’une vie bien remplie pendant laquelle on a cultivé et développé ces dons restants par l’exercice, l’apprentissage etc. on n’a en fait utilisé ou fait fructifier qu’un petit 1 pour 1000 de ces potentiels (découverte terrifiante, la seule désagréable pour le moment ici). Je ne sais pas encore à quoi cela tient mais je me souviens avoir lu un ouvrage d’Antonio Damasio : « L’erreur de Descartes » qui donnait une piste.
( a suivre) Heureux les orphelins stériles © Mireille Durand
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